Le blog du domaine Caroline Marion


Terroir et savoir-faire

Voici un aperçu des méthodes utilisées dans la Maison Caroline Marion : serviteur du terroir et de ses consommateurs, … sans tromperie bien sûr !

Avis n°1 : Le vin se fait dans la vigne avant tout et pour presque tout (les levures notamment !)
Avis n°2 : Pas de bon vin avec de mauvais raisins
Avis n°3 : Savoir-faire et terroir : La seule Règle, c’est qu’il n’y a pas de règles. Il faut toujours les transgresser car la nature est vaste, complexe et remplie d’exceptions
Avis n°4 : Le vin est une boisson, ça ne se sent pas, ça se boit (même si c’est mieux si ça sent bon)
Avis n°5 : Le meilleur vin c’est celui que tu préféres, en une circonstance donnée
Avis n°6 : Tous les terroirs sont bons

Quelques remarques « faciles » :
-« Corriger » les « défauts » de la Nature est des non sens. La nature de quelque chose, c’est ce qui fait de cette chose ce qu’elle est. La Nature est juste comme ça.

-Nous avons tendance aujourd’hui à nous adapter à la technologie, plutôt que de la concevoir à notre mesure et à celle notre mode de vie, en accord avec notre environnement naturel. Ainsi, en plus de contrarier sérieusement la Nature, nous devenons réellement les esclaves de nos propres outils : Tu sais éteindre ou ne pas répondre à ton mobile quand ce n’est pas le moment ? Ou ne pas téléphoner « à tout va » ? Souvent, j’ai du mal.

-Sans en être l’aboutissement, nous sommes des produits de la Nature et en faisons partie intégralement. Quand nous changeons, elle change avec nous, et quand elle change, nous changeons avec elle.

-La notion de terroir va bien au delà de la notion de bio ou pas bio : On peut gaver les sols d’engrais biologiques très puissants.

-L’agriculture biologique telle que les labels la présentent est capable de dégâts aussi importants que les autres modes de culture. Mais ce qui intéresse les argobiologistes depuis le début, c’est de faire des produits issus d’un processus vivant.

-« Tous les produits sont dans la nature » sinon c’est surnaturel. Cet argument est souvent utilisé par les gens obtus qui sont hostiles à l’agriculture biologique. Je veux bien être convaincu que le glyphosate (molécule du RondUp) est synthétisée naturellement par hasard, en de très petites quantités dans la nature, mais le problème n’est pas là. Une des idées de fond de la culture Biologique est d’avoir assez de produit voulu en le triant (comme le souffre et le cuivre dont la Nature regorge par exemple) pour pouvoir faire ce que l’on a à faire…

-On dit pas « lutte » raisonnée, ou « lutte » conventionnelle et encore moins « lutte biologique. C’est la guerre contre la nature ou quoi ? (il y en a qui vont en prendre pour leur matricule soit dit en passant : nous)

En premier lieu, je dirai le fond de ma pensée. Si tu cherches « du terroir », sors du supermarché, sors de chez Nicolas, des chaînes de distribution, et des lieux où l’on s’astique le nez pendant des heures avant de lever le coude avec parcimonie. Cela représente plus de 85 % de « l’offre », mais des cavistes et restaurateurs commencent à proposer les vins de vignerons ouverts au terroir sans se reposer sur une habitude « de plusieurs générations ».
Vas là où les choses paraissent incertaines, aléatoires et pas évidentes tu seras devant le terroir, notion impossible à cerner par définition.

Le terroir et la culture associée regorgent de richesses. Je ne parle pas que du vin. Une tendance à être plus attentifs à l’Environnement se fait sentir. Le bon sens (celui des limites) doit revenir à l’honneur car les productions qu’il permet ne rentrent pas dans l’avenir en cases cochées du système actuel. L’agriculture, les AOC, et la notion de « biologique » doivent subir une révolution ou disparaître, nous le savons tous. Et depuis longtemps. Alors il est temps de passer à l’action car il s’agit de notre capital « manger », et bien plus encore.

Je voudrais juste mettre le doigt sur quelque chose de crutial : Depuis 30 ans les intitiatives privées pour faire avancer on été largement isolées donc laborieuses ou surfaites. Résultat, le mouvement général actuel répond beaucoup plus à une menace directe qu’à un élan vraiment réfléchi, ouvert et spontané. Cette situation laisse une voie facile à tous les abus et obscurantismes alors que la marge de manoeuvre est étroite. Soyons donc raisonnables (plutôt que raisonnés) et vigilants, cela ne nous privera pas de brins de folie, bien au contraire

Qu’est-ce que le terroir ? Une question difficile (à assumer surtout?)
Par la pratique, avec un minimum d’ouverture d’esprit :
– Avant tout une identité. Mais laquelle ? Celle qui laisse de la place à la nature et à l’homme et les enrichit mutuellement.
– un sol, un lieu, les facteurs géographiques (précipitations, températures… ).
– un travail, le fruit du savoir-faire, seule garantie d’un résultat pertinent. Dés que la technologie (actuelle) se fait trop présente, le terroir disparaît. Ne nous voilons pas la face, le terroir n’est pas issu de l’absence de travail de l’homme, bien au contraire. La recherche et l’attention comptent plus que tout. Le terroir naît d’une collaboration très étroite entre des humains, et les forces de la nature. L’humain doit faire appel à toutes ses ressources de finesse, de ressenti, de bon sens pour ne rien gâcher. On cède facilement devant la peur que l’incertitude des aléas climatiques et autres forces naturelles occasionne.
– Un produit. Quel qu’il soit : St Nectaire, Brie, lentille du Puy ou autre terroir des Pyrénées, du Gers ou de je ne sais où, c’est toujours en vue de proposer un produit dont il faut vivre.

On peut déduire ou se demander plusieurs choses (je ne l’ai moi même appris qu’hier soir)
– Où s’arrête la subjectivité inhérente au goûts individuels pour reconnaître l’identité tangible du terroir ?
On ne force pas. S’il faut ajouter de l’engrais ou des « produits de santé végétale » (alias phytopharmaceutiques, alias phytosanitaires, alias pesticides) à gogo pour que ça pousse, mettre du sucre chaque année pour pouvoir dire que le vin est à 12°5, à quoi ça sert ? Le terroir est avant tout issu d’une certaine connivence, il s’exprime naturellement dans un cadre où les choses vont d’elles mêmes dans le bon sens. Même si la quantité de travail est faramineuse, ce travail est du savoir faire : à dominante de jugeotte pour utiliser les forces de la nature à leur source. La technologie, telle qu’elle est conçue aujourd’hui, de ce point de vue fait très vite preuve de ses limites, de son inaptitude à la finesse.

Pourquoi je dis que le terroir est en voie de disparition ? Sauf quelques irréductibles en difficulté …
En arrivant dans le monde du vin je me suis rendu compte que les caves coopératives par exemple, que je voyais comme des structures respectueuses de ce qui fait leur fond de commerce, tuent chaque année pour la plupart le terroir qu’elle se targuent de vendre. C’est là qu’est née dans mon esprit la notion de « Terroir caisse ». Beaucoup de vignerons en sont réduits à ce niveau de déchéance hélas, je t’explique :

Voilà : notre monde est éminemment matérialiste (ou « directiste » : il faut un résultat, une utilité directe), qu’on ne me dise pas le contraire ! Or « produire » du terroir nécessite une forte propension à capter l’immatériel et à jouer avec. Aujourd’hui notre système fonctionne excessivement sur le système dit « H20 ». C’est à dire que dans ce monde : de l’eau, qu’elle vienne du ciel ou de l’irrigation c’est de l’eau. Du sucre, qu’il vienne des raisins ou de chez beghin say, c’est du sucre … tu as compris. Voilà le quotidien des cultivateurs de terroir. Je me rends compte de l’étendue du dévaste.

Toujours en arrivant dans le monde du vin, les vignerons étaient pour moi, une source d’admiration. J’étais donc dans l’incompréhension quand Philippe Testut surtout et Caroline, mes premiers maîtres, me soutenaient que c’étaient pour une grande partie un tas d’incultes, qui savent à peine lire et surtout ne veulent pas voir plus loin que le bout de leur nez ! Chacun croît être en possession de la clé du terroir. (Ecoute Brassens « les imbéciles heureux qui sont nés quelque part »). L’idée d’être né dedans leur suffit et ils ne se posent plus de question. Les dérapages sont légion et les sorties de route un principe, tout ce monde là roule même complètement à côté en permanence.

Quand on va en cours pour devenir vigneron, on nous dit : « L’herbe (mauvaise évidemment) concurrence la vigne » ce qui est vrai. Cependant pourquoi la conclusion est elle que le vin est d’autant meilleur que le sol est à nu ? On apprend également dans les vignes, que les piquets taille-pchablis4doivent être installés et alignés, certes, car la vigne se casse la gueule en poussant (c’est aussi pour qu’une machine puisse passer sans arracher la moitié de la végétation). Cependant ce n’est pas celui qui plantera le plus de piquets, ou qui les alignera le mieux qui sera le meilleur. Le mieux est l’ennemi du bien, même si notre métier implique de gérer des activités annexes, le but est quand même de faire du vin, et du bon, alors sachons rester dans le chemin (le sens des limites encore).

En été 2007, la « commission de contrôle des conditions de production » est venue me fumer la tête pour me signaler la trop forte présence d’herbes dans mes parcelles. L’inéluctable avenir proche leur fera tenir un discours inverse, et tous les producteurs diront qu’ils ont été les premiers à aller dans ce sens. Pour l’instant, il faut rester copain des antigerminatifs, bientôt illégaux (ouf!),  du glyphosate (Round up) et autre « M Propre » des sols bien vus par la profession. Regardez à l’occasion les sols des vignobles. Le premier venu est capable de dire que ces sols gris sont morts, que rien pc-sud-herbe3(de bon) ne vit dedans.  On ne s’en rend pas compte. Il n’y a pas d’élément de comparaison, les vignes sont désherbées intégralement 365 jours par an. L’herbe et le sol subissent la peine de mort perpétuelle.
La terre est à nu, lessivée, décharnée, elle s’enfuit vers la mer. La seule force qui l’anime est la gravité. Alors que vivante, elle laisse l’eau s’infiltrer et c’est toute la colline qui stocke, retient et draine cette eau. Vivant, un sol est le siège des forces les plus considérables et les plus résistantes qui soient et pourtant … Tu verras, l’hiver arrive, le vert des feuilles s’en est allé et il ne reste que de vastes superficies de vignoble sur une terre à vif, damée, tassée, ravinée, sans aucun arbre. Alors où est le terroir ? Je Vous le demande bien !

Des épisodes plus gais ensuite , promis. N’oublies pas de lever le coude (et la page du tableau de bord) en attendant.

Adrien